TYPE DE SUPPORT : ARTICLE | CATÉGORIE : CHRONIQUES
AUTEUR : Patrick Bignon
DATE : 13 juin 2007
Cabinet d’avocats : Les clefs d’une intégration réussie
Les suites de l’intégration d’une équipe d’avocats ou d’un rapprochement entre cabinets peuvent réserver de bien mauvaises surprises. Revue des points clefs pour faire de ces opérations des succès.
Au cours des dernières années, le marché a connu des exemples de rapprochements réussis, d’autres moins. Très souvent, les intégrations problématiques sont symptomatiques d’une carence dans la préparation et le suivi du projet. Pris par leur travail quotidien, les associés consacrent trop peu de temps à s’assurer de la réussite d’une opération qu’ils ont pourtant mis des mois à négocier. Un rapprochement est pourtant extrêmement perturbant pour une structure et ses avocats. Il est toujours délicat de faire se rencontrer deux cultures.
Cette phase de mutation profonde doit donc être soigneusement accompagnée. Quelle que soit la forme que prend le rapprochement (intégration d’un associé, recrutement d’une équipe, fusion entre cabinets, intégration à un réseau international, etc.), la même question se pose : comment réussir l’intégration des nouveaux éléments à la structure existante, et créer une nouvelle entité qui soit davantage que la somme des deux entités précédentes ?
Anticiper les difficultés du rapprochement
Les avocats qui envisagent un rapprochement s’en tiennent trop souvent à mesurer la transportabilité d’un volume d’affaires. Ils négligent de se projeter dans les difficultés concrètes que risque d’engendrer l’opération. Pourtant, certains problèmes post- intégration peuvent être anticipés dès l’origine du projet. Un cabinet doit ainsi prendre le plus grand soin pour choisir ses avocats et analyser leur capacité à s’intégrer à sa culture. Une structure doit éviter de compromettre ses valeurs fondamentales, comme le travail en équipe ou le développement des collaborateurs, en se rapprochant d’individualités qui pourraient être destructrices de son équilibre. Afin d’anticiper les conséquences du rapprochement, les deux équipes peuvent également commencer à travailler ensemble avant même la conclusion de l’opération. Faire se rencontrer les associés des deux entités pour dresser en amont des « business cases » pour chaque pôle d’activité permet d’économiser un temps précieux. Une fois le deal finalisé, la mise en place des équipes n’en sera que plus rapide et efficace.
Communiquer toujours plus
Une fois conclu, un rapprochement est toujours un choc. C’est pourquoi, on le ne répétera jamais assez, la composante clef du succès d’une telle opération reste la communication.
Pour expliquer ce que l’on fait et ce que l’on veut faire, le principe à suivre en la matière doit être « mieux vaut trop que pas assez ». La culture de la nouvelle entité, son projet, ses nouvelles compétences et expertises, les nouvelles opportunités offertes par le rapprochement : tous ces sujets majeurs doivent faire l’objet d’une explication précise et rapide. Il est important de ne pas oublier les collaborateurs ni le personnel administratif, dont l’adhésion est essentielle au fonctionnement effectif de l’intégration. Enfin, les clients du cabinet ont eux aussi besoin d’être rassurés et informés : il faut leur faire comprendre les avantages qu’ils retireront de ce rapprochement.
Une disponibilité de tous les instants
Autre élément essentiel à un rapprochement réussi : l’implication quotidienne de l’équipe dirigeante. Cheville ouvrière de l’opération, elle doit être capable de faire le lien entre les équipes et être le porte-parole de la firme auprès de ses clients. Afin d’éviter tout flottement au cours de la période de transition, cette équipe doit être désignée au plus tôt. Elle doit être à l’écoute des associés et insister sur sa disponibilité. Il faut également qu’elle veille à harmoniser la culture et le discours des équipes et imposer à chacun de consacrer du temps à la réussite du projet. Un bon moyen d’initier le dialogue est
d’organiser des entretiens individuels avec chacun des associés de la nouvelle entité. En aucun cas l’équipe de management ne doit laisser l’intégration à des initiatives individuelles.
Chasser les idées reçues
Afin d’éviter les déceptions, le management doit aussi s’efforcer de chasser les idées reçues. Les avocats s’attendent trop souvent à ce qu’un rapprochement engendre un flux important de nouveaux dossiers. Or, un rapprochement seul ne suffit pas à accroître le volume d’affaires. Une relation de confiance doit se créer entre les associés des deux équipes. Le management doit créer les conditions pour que ce lien s’établisse rapidement. Renforcer la fréquence des échanges et des rencontres entre tous les associés, notamment au sein des « départements », permet de créer les conditions de la confiance.
Une harmonisation transparente, progressive et réfléchie
Ensuite, l’équipe de management doit planifier avec soin l’harmonisation des statuts, règles et procédures des entités qui se rapprochent. Outre les différentes procédures en termes de conflits d’intérêts et de gestion des dossiers, doit être traités un certain nombre de questions déterminantes qui, laissées en suspens, présentent un risque majeur de dégradation rapide des relations au sein du cabinet. Sujets critiques, les politiques de rémunération et de promotion des associés et des collaborateurs, les critères d’évaluation de la performance, la politique de facturation doivent recevoir une attention particulière. Sont-elles bien comprises par tous les avocats ? Comment les harmoniser sans créer de frustrations ou de mécontentements ? Autres zones de tension possible : les différences entre les structures.
Les modalités d’accès à l’association, l’articulation entre « equity » et « non-equity partners », les différences entre les statuts possibles sont autant de points sensibles qu’il faut bien expliquer aux nouveaux entrants afin d’éviter les malentendus. Tous ces sujets doivent être attentivement étudiés avant de déterminer les changements à effectuer et de définir les modalités de fonctionnement de la nouvelle entité.
Un plan d’intégration et des objectifs réalistes
Afin de faciliter l’harmonisation de ces règles et procédures, l’équipe de management doit élaborer un plan d’intégration précisant les objectifs que le cabinet s’est fixé par degré d’importance et de faisabilité, ainsi qu’un calendrier selon lequel ces objectifs doivent être réalisés. Ce processus permettra notamment d’éviter les mauvaises surprises financières en établissant dès l’origine des objectifs réalistes et en prévoyant des outils de mesure et de suivi du niveau d’activité du cabinet.
Un suivi rigoureux de l’intégration
Il s’agit ensuite d’organiser le suivi effectif des étapes de l’intégration : organisation des compétences du cabinet, répartition des responsabilités entre les associés, notamment quant à l’animation des pôles de compétences, harmonisation des procédures, notamment en termes de suivi et de développement des clients, etc. Pour favoriser la mise en commun des ressources et des savoir-faire, les associés doivent apprendre au plus tôt à se connaître et à travailler ensemble. Un moyen simple d’y parvenir consiste à organiser des réunions de présentation des associés, de leurs compétences et de leurs clients. Régulièrement, les équipes chargées du suivi de l’intégration mesureront les progrès effectués par rapport au plan d’intégration, repéreront les zones de tension et identifieront les nouveaux problèmes, afin de déterminer les actions complémentaires à mettre en oeuvre.
Dans tous ces chantiers, l’équipe de management joue un rôle déterminant. Elle dispose de toutes les cartes pour éviter le « post-merger blues » et mobiliser l’ensemble du cabinet autour de la réussite de son projet. A condition toutefois de bien s’y préparer.