TYPE DE SUPPORT : ARTICLE | CATÉGORIE : CHRONIQUES
AUTEUR : Patrick Bignon
DATE : 27 décembre 2014
La passerelle cabinets d’avocats et entreprises : quelques commentaires
Le statut d’avocat en entreprise devrait être créé avec le projet de loi Macron. Cela sera certainement de nature à faciliter les transferts.
D’après ce que l’on peut comprendre, les juristes d’entreprise pourront devenir avocats après 5 ans d’expérience minimum.
Cela étant, à ce jour, cette mobilité existe. On a chacun des exemples en tête dans les deux sens.
Avant d’aborder les problématiques rencontrées lorsque cette mobilité se produit, quelques constats peuvent être faits.
1. Les constats
- Premier constat : cette mobilité joue plus dans le sens cabinet vers l’entreprise que dans le sens contraire.J’ai même constaté que les Directeurs juridiques étaient souvent très favorables à recruter des juristes d’entreprise ayant été d’abord avocats pendant quelques années. Ils apprécient particulièrement la formation et l’approche du risque juridique.
- Deuxième constat : La passerelle avocat vers l’entreprise me semble également plus facile à franchir. Elle intervient à toutes les époques de la carrière de l’avocat : après quelques années, avant ou après l’association dans un cabinet, …
Les difficultés liées à la crise persistante rencontrées par les cabinets d’avocats :
- Difficultés à promouvoir des associés ;
- Pression sur les rémunérations ;
- Mutation du métier d’avocat. C’est d’ailleurs corroboré par une dernière statistique dont j’ai pu prendre connaissance publiée par les Echos Business de lundi dernier (24 novembre 2014), indiquant que 70% des jeunes avocats qui se réorientent optent pour le métier de juriste d’entreprise.Cela étant, en fonction du sens de la passerelle, quelles sont les particularités et problématiques que j’ai pu identifier ? Troisième constat : La passerelle d’avocat vers l’entreprise me paraît avoir pris davantage d’ampleur au cours des dernières années.Plusieurs explications à cela 😮 Le rôle grandissant des fonctions juridiques, l’attractivité des postes de directeur juridique et parallèlement de leurs rémunérations ;
2. Les particularités et problématiques identifiées
2.1 Lorsque la passerelle est dans le sens avocat vers l’entreprise
C’est le sens le plus fréquent et en général cela se passe plutôt bien.
Cela étant, certains avocats peuvent être déroutés par trois aspects lorsqu’ils rejoignent l’entreprise :
- D’abord, la dimension plus transversale et plus généraliste du rôle du juriste d’entreprise par rapport à leur exercice antérieur plus spécialisé ;
- Ensuite, l’aspect plus vertical et hiérarchisé du fonctionnement de l’entreprise et d’une Direction juridique ;
- Enfin, l’apprentissage pour l’avocat des codes des enjeux de l’entreprise et de certaines spécificités sectorielles pas toujours faciles à appréhender, …
2.2 Lorsque la passerelle est dans le sens juriste vers la profession d’avocat
Dans ce sens, les passages me paraissent plus difficiles et ne sont pas toujours couronnés de succès, au point qu’on observe souvent des allers retours.
Outre le délai de 8 ans nécessaire, les passerelles sont plus fréquentes lorsque le juriste d’entreprise a accédé à un certain niveau de responsabilité dans sa carrière (Directeur juridique, etc.).
Si on se place du côté du juriste d’entreprise :
Cela implique bien entendu pour lui la nécessité d’intégrer les codes et règles de la profession d’avocat, mais également de bien comprendre ce qui est attendu d’un avocat, et les enjeux du marché actuel pour un avocat ou un associé dans un cabinet, et en particulier pour les associés :
o Une expertise pointue dans certains domaines ;
o Une culture entrepreneuriale pour développer des clients et en conquérir de nouveaux ;
o Une capacité à entraîner, animer et former des équipes pour favoriser le développement du cabinet et assurer, à terme, sa relève.
C’est pourquoi d’ailleurs souvent du fait de l’insuffisance de clientèle au moment où le juriste d’entreprise est amené à rejoindre un cabinet, un statut alternatif de « counsel » / « senior counsel » lui est offert pour s’assurer des qualités requises pour devenir associé et d’une bonne intégration.
Si on se place du côté du cabinet :
Cela implique pour le cabinet d’avocats de bien mesurer l’intérêt du recrutement d’un
tel profil et la valeur ajoutée apportée au cabinet.
Généralement, cette valeur ajoutée est démontrée par :
o une spécialisation pointue dans un domaine (par exemple, je l’ai vu pour certains juristes s’étant fortement impliqués dans les arbitrages de leurs entreprises),
o une connaissance particulière d’un secteur et de sa réglementation,
o un réseau de contacts à développer,
o une capacité à expliquer les attentes des entreprises et des directions juridiques, à décoder et à être l’interface des entreprises au sein des cabinets.
En résumé, il y a pour le cabinet tout un travail à faire sur le projet conjoint et généralement cela se concrétise sous la forme d’un business plan préparé entre le cabinet et le Directeur juridique.
Enfin, nul besoin de rappeler que le suivi très attentif de l’intégration peut faciliter le succès du recrutement.