TYPE DE SUPPORT : ARTICLE | CATÉGORIE : DANS LA PRESSE
AUTEUR : Patrick Bignon
DATE : 3 septembre 2025
Enquête sur le management des équipes en cabinets d’avocats. Le maillon faible du développement de cabinet ?
En collaboration avec le cabinet de conseil Bignon De Keyser [1], le Village de la Justice a mené une enquête sur le management des équipes dans les cabinets d’avocats.
A l’heure des transformations des métiers du droit, portées notamment par les technologies, l’IA, les nouveaux modèles économiques, les concurrences… mais aussi les difficultés de recrutement et de fidélisation des collaborateurs, ou encore les nouvelles attentes de ceux-ci, les résultats sont importants pour analyser « ce qui se passe » en cabinets et envisager les bonnes pratiques participant au développement des cabinets d’avocats…
Vous allez le lire, c’est riche d’enseignements.
Cette enquête a été réalisée auprès des seuls avocats collaborateurs non associés, dans des structures comprenant plusieurs avocats (voir plus bas le panel complet).
L’analyse et les enseignements que l’on peut tirer de l’enquête 2025 : « Le management des équipes, un maillon faible des cabinets d’avocats ? »
Par Patrick Bignon, cabinet de conseil Bignon De Keyser (conseil en stratégie et management dédié aux professions juridiques).
Dans les cabinets d’avocats, le management des équipes et des départements est un levier de performance encore trop sous-estimé bien que ses effets soient multiples : sur la qualité du travail, la motivation des collaborateurs, la cohésion interne… et in fine, sur le développement du cabinet lui-même.
D’un cabinet à l’autre, et parfois même d’une équipe à l’autre au sein d’un même cabinet, les pratiques managériales varient considérablement. Ce manque d’homogénéité nuit à l’efficacité collective, alors même que les bonnes pratiques observées sur le marché montrent qu’un management structuré, aligné et mobilisateur peut devenir un puissant moteur de croissance.
À l’inverse, des équipes mal encadrées ou mal pilotées deviennent rapidement des freins : désengagement, départs prématurés, perte d’attractivité.
Dans ce contexte, les résultats de cette enquête menée auprès de 170 avocats par le Village de la Justice, en collaboration avec notre cabinet Bignon De Keyser, et issus de plusieurs cabinets, sont riches d’enseignements. Ils tracent les contours d’un management encore trop souvent vécu comme une contrainte, plutôt que comme un levier de performance collective.
Deux grands enseignements à cette enquête :
1. Un cadre de travail apprécié… qui masque un déficit de pilotage
Premier constat encourageant de cette enquête : les fondamentaux sont là. Les collaborateurs interrogés saluent l’autonomie dont ils bénéficient (74 %), la bonne entente au sein des équipes (61 %), ainsi que la qualité des outils mis à disposition (60 %). L’accessibilité des associés (62 %) et la participation aux réunions d’équipe (62 %) renforcent également ce sentiment d’ouverture.
Mais ces signaux positifs ne doivent pas masquer les limites profondes de l’organisation managériale. Plus de la moitié des personnes interrogées (57 %) estiment que leur équipe ou département est mal managé. Les critiques portent sur le manque de clarté dans l’animation du collectif, l’absence de vision partagée et la faiblesse des temps d’échange structurés – qu’il s’agisse de réunions, de feedbacks ou de délégation. Résultat : un travail collectif altéré, et un sentiment d’appartenance qui s’érode.
2. Un management encore trop vertical, peu mobilisateur
Un autre signal d’alerte émerge : le manque d’implication des collaborateurs dans les décisions qui les concernent. Ils sont 62 % à déclarer ne pas pouvoir proposer d’améliorations à leurs conditions de travail, et 66 % à ne pas être informés des projets d’évolution de leur département.
Les pratiques managériales sont clairement en cause : 63 % estiment que l’associé n’anime pas correctement l’équipe, 58 % jugent les réunions peu mobilisatrices, 54 % dénoncent un manque de délégation, et 58 % pointent une faible prise en compte de l’équilibre vie pro / vie perso. Ce n’est, donc, pas tant la volonté qui fait défaut… que la méthode.
Trois leviers pour faire évoluer les pratiques
Face à ces deux constats, il est urgent de repenser le management et le management d’équipe comme une compétence à part entière. Être un excellent avocat ne suffit pas pour devenir un bon manager. Cela s’apprend. Et cela suppose d’y consacrer du temps, des outils, et parfois un accompagnement.
À la lumière de ces résultats de cette étude, il nous parait important de mener une réflexion au sein des cabinets d’avocats sur le management des équipes et des départements pour en faire un véritable moteur de développement.
Les quelques pistes d’améliorations concrètes suivantes devraient donner des résultats rapidement :
1. Bien définir ce qui est attendu du manager d’équipe
Le rôle du manager d’équipe ne se résume pas à répartir les dossiers. Il doit animer, structurer, donner du sens. Cela implique de savoir conduire des réunions efficaces, faire vivre la dynamique collective, donner du feedback régulier, et accompagner la progression individuelle.
2. Partager une vision claire
Un management mobilisateur commence par une vision partagée. Cela passe par une communication régulière sur les projets, les priorités et les choix stratégiques du cabinet et de l’équipe. Cette transparence nourrit l’engagement et l’alignement entre les équipes.
3. Structurer le cadre de travail
Le bon fonctionnement d’une équipe repose sur des bases claires : composition, rôles, répartition de la charge de travail, critères d’évaluation, dispositifs de formation, conditions de rémunération. Cet encadrement formel doit être coconstruit et compris par tous et il va de soi que si ce cadre est commun à toutes les équipes / départements, les bénéfices sont amplifiés pour le cabinet.
À cela s’ajoute une dernière dimension essentielle : cultiver un esprit d’équipe qui tienne compte des contraintes individuelles et donne envie de s’investir collectivement.
Bien sûr, ces pistes d’améliorations doivent s’inscrire dans une réflexion sur les temps collectifs de l’équipe.
Faire de la réunion d’équipe un vrai outil de management
Il est temps de sortir du schéma de la réunion subie. Une réunion efficace est un moment structurant, utile, et inspirant. Elle permet à chacun de comprendre, de contribuer, et de se sentir impliqué. Cela suppose un cadre clair, une préparation en amont, et un pilotage réel.
Les collaborateurs doivent aussi pouvoir exprimer leurs idées, proposer des améliorations, et être écoutés. Il faut créer des espaces dédiés à ces échanges, mais aussi faire vivre une culture du dialogue qui valorise la contribution de chacun.
Conclusion : faire du management une priorité stratégique
Dans un environnement où l’attractivité des cabinets ne dépend plus uniquement de la rémunération mais aussi de la qualité de vie et de l’organisation du travail, le management d’équipe devient un enjeu stratégique. C’est un pilier fondamental de la performance et de la fidélisation dans un cabinet.